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nant une redevance quotidienne qui varie de dix à vingt centimes. Les pistoliers forment l’aristocratie de l’endroit ; en général, ils restent volontiers chez eux et ne descendent pas dans la cour lorsque les détenus y prennent leur récréation, c’est-à-dire de neuf à dix heures du matin et de trois à quatre heures du soir. Les plus favorisés sont seuls dans leur petite chambre ; mais c’est là une rare bonne fortune que la direction ne peut accorder à tous ceux qui la sollicitent, car celle-ci manque d’emplacement et se voit forcée de tasser dans des pièces trop étroites tous les condamnés qu’on lui envoie.

Le mouvement de 1868 a été de 2 448 entrées et de 2 694 sorties ; les journées de travail ont formé un total de 227 363, et la maison contenait 522 détenus au 31 décembre. Pour garder ce mauvais monde et l’assouplir à une discipline fortifiante, un brigadier, un sous-brigadier et vingt et un surveillants ne suffisent pas ; un seul gardien peut sans peine embrasser du regard les détails d’une galerie cellulaire ; mais, comme il n’est pas doué du don d’ubiquité, il lui est matériellement impossible de parcourir à la fois plusieurs dortoirs ou plusieurs ateliers ; c’est cependant ce qu’il devrait faire à Sainte-Pélagie pour être certain que tout est dans l’ordre. Si la moralité, sous toutes ses formes, est singulièrement blessée par le régime en commun, il faut reconnaître que le travail y gagne. On a beau être vicieux, paresseux, dénué de force morale, on n’abdique jamais une certaine part d’amour-propre, celle qui fait l’émulation. Aussi, à Sainte-Pélagie, contrairement au spectacle navrant qui vous attriste dans presque toutes les parties de la maison, on trouve dans les ateliers une activité édifiante et de bon aloi. On y travaille, et très-sérieusement ; bras nus et le frappe-devant à la main, des ouvriers forgent des vélocipèdes ; des