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heureux, qui ne savait point nager, lutta, grelottant, ballotté, à demi asphyxié. Il eut peur de mourir ; il refoula sa voie et revint se coucher dans sa cellule, où, dès le matin, il fut retrouvé trempé et transi de froid. Il fut immédiatement transporté aux Madelonnettes, pour y être gardé à vue jusqu’au jour où, dans son audience du 4 mai 1860, la cour d’assises le condamna à douze ans de travaux forcés[1].

Si Mazas est la prison modèle du régime cellulaire, Sainte-Pélagie montre, malgré les soins de l’administration, malgré l’incessante vigilance des hommes qui la dirigent, les inconvénients sans nombre du régime en commun. Le premier défaut de Sainte-Pélagie est d’être une vieille maison appropriée tant bien que mal à sa destination. Bâtie en 1665 par Marie Bonneau, veuve de Beauharnais de Miramion, et placée sous l’invocation de la comédienne qui scandalisait Antioche au cinquième siècle avant d’avoir embrassé le christia-

  1. « Une double évasion s’est accomplie l’avant-dernière nuit (15 juillet 1872) à Mazas dans des circonstances qui témoignent, de la part de ses auteurs, une audace et une habileté prodigieuses. Presque sous l’œil des gardiens, les détenus, après avoir réussi à limer les énormes barreaux de leurs fenêtres qui donnent sur le préau, — découpèrent en lanières leurs draps et leurs couvertures, démontèrent leur lit de fer, en prirent la barre la plus solide, la fixèrent à la fenêtre et opérèrent leur descente périlleuse à une hauteur de plus de six mètres. Descendus sur le promenoir, les deux détenus, à l’aide des barres de fer du lit, réussirent à faire sauter l’énorme disque de fer qui bouche l’orifice de l’embranchement d’égout qui passe sous la prison ; puis à l’aide de leurs lanières tressées parvinrent à descendre tous deux au fond de l’égout, qui n’a pas moins de dix mètres de profondeur en cet endroit. Tout cela ne suffisait point encore, car les deux détenus se trouvèrent bientôt en présence d’une énorme grille qui sépare l’embranchement de l’égout du grand collecteur. Ils parvinrent, à force de patience et d’habileté, à la desceller, et passèrent dans le grand collecteur. Là ils se trouvaient libres et pouvaient, à leur choix, prendre l’une ou l’autre des grandes voies qui ont issue sur la Seine. Leur travail a dû demander un fort long temps et il est bien probable que, le jour naissant, ils n’aient ni l’un ni l’autre osé sortir de l’égout avec leur triste livrée et aient voulu attendre la nuit prochaine. On bat, en attendant, le grand collecteur en tous sens, et toutes ses issues sont gardées à vue. » Les évadés ont été repris deux jours après, cachés dans le grand collecteur de la rive droite.