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Les prisonniers ne sont point dans un isolement aussi complet qu’on pourrait le croire, et notre système cellulaire, mitigé par l’influence de nos mœurs, est singulièrement moins rigoureux que celui des Américains ; les surveillants, les contre-maîtres, le directeur, les avocats, qui ont des parloirs particuliers, les aumôniers, sont en rapports fréquents avec les détenus, et il n’est pas de jour que la porte des cellules ne s’ouvre plusieurs fois.

Le dimanche, à neuf heures du matin, toutes les portes sont entre-bâillées, quoique maintenues closes par le verrou, sur une largeur de six centimètres, car il faut que chacun puisse participer au service divin. Le haut de la rotonde qui occupe le centre du rond-point est disposé en chapelle ; l’autel, le Christ, les grands flambeaux, le prêtre qui officie, le diacre qui l’assiste, le prévenu vêtu en bedeau qui le sert, sont visibles de toutes les cellules étagées dans les six galeries, à la condition que le prisonnier appliquera son œil à l’ouverture de la porte. Cela est solennel et triste.

Lorsque le prêtre debout, tenant son aspersoir en main, jette l’eau bénite vers toutes les cellules, on dirait qu’il donne l’absoute à des morts. Des prévenus choisis parmi ceux qui savent la musique chantent dans une sorte de tribune circulaire faisant face à l’autel ; l’un d’eux joue de l’orgue, un autre donne le ton sur une contre-basse. Quand j’ai assisté à la messe de Mazas, on avait joint à ces chantres de hasard un détenu qui soufflait à toute poitrine dans un cornet à pistons ; c’était bien mettre le diable dans un bénitier. J’avais cru jusqu’alors que les instruments de cuivre, les flûtes et les tambourins, maudits jadis par Apollon, organes de la matière et des délires orgiaques, étaient sévèrement exclus des églises, excepté pendant les messes militaires. Néanmoins l’impression est très-vive. Le reten-