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effet, lorsqu’elle est neuve, elle râpe comme une lime, et plus d’une peau a saigné au contact de cette étoffe, si rêche, qu’elle paraît avoir quelque chose de métallique[1].

Jamais dans les prisons, pour les détenus valides, on ne donne de serviettes. Que des hommes puissent s’en passer, je le comprends jusqu’à un certain point ; mais la régie est uniforme, inflexible, et les femmes non plus n’en reçoivent pas ; cela est barbare et ne correspond guère à nos mœurs. Et cependant, par une anomalie qui paraîtra étrange après un tel détail, dès qu’un prisonnier a été écroué, il est conduit au bain, et plus d’un de ces malheureux entre là dans une baignoire pour la première fois de sa vie ; cette grande ablution générale est réglementairement renouvelée tous les mois, et l’autorisation de prendre un bain n’est jamais refusée à celui qui la demande. Du reste, dans les prisons de Paris, la régie disciplinaire est douce, quoique très-forte, et l’on applique largement ce principe, enseigné par l’expérience, qu’en matière d’emprisonnement tout ce qui n’est pas rigoureusement indispensable est cruel.

La loi du 28 pluviôse an VIII reconnaissait au préfet de police le soin de surveiller les détenus dans les prisons de Paris, mais attribuait l’autorité administrative au préfet de la Seine ; on peut facilement imaginer les conflits que fit naître une telle disposition entre deux institutions où mille points de contact ont créé une rivalité permanente ; l’ordonnance du 19 avril 1819 mit fin à cette nouvelle cause d’antagonisme, et le préfet de police eut seul la haute main sur les prisons urbaines. Il a placé à la tête de chacune d’elles un directeur, qui a sous ses ordres les greffiers et les surveillants ; de plus, deux

  1. Ces toiles, spécialement dures, venaient de la maison centrale de Fontevrault ; prises aujourd’hui dans le commerce, elles sont moins rudes et d’un premier usage moins pénible.