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donné de l’air et du jour où il en manquait, exigé des soins de propreté plus que négligés auparavant, fait renouveler les literies primitives et veillé à ce que les détenus ne pâtissent ni du froid ni de la faim ; c’était beaucoup, mais c’était bien peu en regard de ce qui restait à faire. Le condamné, selon la vieille idée monarchique, n’est-il qu’une chair sur laquelle on peut agir sicut in animâ vili, ou bien, malgré les crimes qu’il a commis, malgré la note infamante qui le rejette hors de la société, garde-t-il une âme qu’il est possible de pénétrer et de ramener au bien ? En un mot, la société, une force nuisible s’étant tournée contre elle, doit-elle faire effort pour rendre cette force utile et profitable, ou doit-elle se contenter de la neutraliser ? Cette idée si simple, qu’aujourd’hui elle nous parait naturelle, on fut des siècles avant de la voir poindre.

Elle nous arriva des pays d’initiative protestante, d’Amérique et d’Allemagne, où déjà elle était expérimentée et donnait des résultats favorables avant même que nous eussions songé à examiner sérieusement notre système pénitentiaire. Le bouleversement était radical, et le principe qui commençait à s’imposer à l’attention des hommes compétents devait renverser directement celui que, par inertie et par respect pour des habitudes prises, nous maintenions chez nous. Au lieu de laisser les détenus vivre en commun, sans être catégorisés selon la qualité de leur crime, dans une oisiveté presque complète et une épouvantable promiscuité, il allait être question de les isoler absolument, le jour aussi bien que la nuit, et de les astreindre à un travail dont la privation deviendrait pour eux une punition disciplinaire.

Quoique généralement en France nous ne péchions point par excès de logique, on procéda dans ce cas avec un esprit de méthode assez remarquable. Dès 1833, on était résolu à reconstruire la Grande-Force, qui mena-