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le temps de se reconnaître. La préfecture de police, réduite, en vertu de la loi, à une précipitation excessive, ne peut souvent pas réunir matériellement toutes les preuves nécessaires à la constatation si importante des identités ; grâce à la rapidité imprimée aux services de la préfecture et du petit parquet, qui se complètent l’un l’autre, bien des pseudonymes ne sont point démasqués, bien des coupables qu’il faudra rechercher plus tard sont relâchés, et plus d’un mauvais gars arrive devant ses juges sans avoir un dossier qui les édifie suffisamment sur sa moralité. Si la loi a un défaut, c’est celui-là ; elle désarme l’autorité en ne lui laissant pas le loisir de faire toutes les recherches indispensables.

Lorsque l’inculpé nie le délit que constatent les procès-verbaux, lorsqu’il y a contestation sérieuse, il est renvoyé devant le juge d’instruction siégeant au petit parquet, ou, s’il y a lieu, devant le procureur impérial pour plus ample informé. L’activité qu’il faut déployer dans ces mauvaises petites chambres, dont le séjour est rendu plus pénible encore par le contact perpétuel avec des gens dépenaillés, sales et pouilleux, est extraordinaire. En 1868, le petit parquet a renvoyé à l’instruction 1 573 affaires, et en a livré 10 590 à la police correctionnelle ; 887 ont été l’objet d’une ordonnance de non-lieu, et 13 414 ont été classées, c’est-à-dire ayant été, après examen, jugées sans gravité, n’ont été l’objet d’aucune poursuite ; 30 956 individus de tout âge et de tout sexe se sont assis dans le couloir obscur entre les gendarmes qui les gardaient et ont été interrogés ; sur ce nombre, qui donne une moyenne de près de 85 inculpés par jour, 14 253 ont été relaxés par les substituts de service, 942 par le juge d’instruction et 15 861 ont dû aller répondre de leurs faits et gestes devant les tribunaux compétents.

On ne procède avec rapidité, il est aisé de le com-