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demi-heure de ce verbiage, on la renvoie au Dépôt, et elle s’éloigne, grognant, grondant, piaillant, parlant toujours et se plaignant qu’on n’ait pas voulu entendre ses explications.

Lorsque le délit reproché est insignifiant, l’inculpé est immédiatement mis en liberté avec quelques bons conseils, dont le plus souvent il ne tiendra compte. Si au contraire le délit est grave, formel, tombe sous l’application d’un des articles du Code et est avoué par l’individu qui l’a commis, ce dernier est traduit sans délai en police correctionnelle. La loi du 20 mai 1863 impose aux magistrats l’obligation de faire passer tout de suite en jugement les personnes arrêtées en flagrant délit ; or, que le flagrant délit soit révélé par des témoins ou reconnu par le coupable, il n’en est pas moins constaté, et dès lors il donne à l’inculpé les bénéfices de la loi. Ainsi un vagabond arrêté le 31 mai 1868 à huit heures du soir, interrogé le 1er juin au petit parquet, a été jugé le 2 à la septième chambre. Un vol simple a été commis le 27 mai, il a été déclaré le 28 ; le 29 on a arrêté le coupable, qui, livré le 31 au petit parquet, y a comparu le 1er  juin pour être envoyé le 2 en police correctionnelle. Il est difficile d’aller plus vite.

L’intention de cette loi est extrêmement libérale, car elle a pour but d’éviter à de pauvres diables, souvent aux trois quarts innocents, les lenteurs parfois cruelles, toujours préjudiciables, d’une information étendue qui, en cas d’aveu, aurait dû être supprimée depuis longtemps ; elle abrège la captivité préventive, qui est une peine réelle ; enfin, elle désencombre les prisons et active l’œuvre de la justice. Elle a cependant un côté défectueux qu’il est équitable de signaler : ne tenant compte que de l’inculpé et nullement des nécessités de la justice, elle expose bien souvent celle-ci à commettre des erreurs, en lui laissant à peine, comme l’on dit,