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massée la nuit dans les cabarets, dans les mauvais lieux, et fort semblable, sauf la différence des costumes, à ce que nous pourrions voir aujourd’hui. Tous les inculpés sont mêlés ensemble, et il n’y a point apparence d’avocat. L’audience est publique ; dans le groupe qui représente les curieux et qui est au premier plan, on remarque quelques commères, des oisifs, des domestiques et même un nègre. Près du procureur du roi, l’huissier à verge est debout, il touche de sa baguette noire, pour constater sa prise de possession, une fille qui, venant d’être condamnée, s’engage dans un couloir conduisant à la prison, dont la porte est surmontée des attributs ordinaires de la justice, la main, le glaive et les balances. Rien n’est plus intéressant que ce tableau qui, permettant de saisir sur le vif une de ces audiences populaires dirigées au Châtelet par le prévôt de Paris, nous rend contemporains de faits indécis que l’histoire a consignés sans prendre la peine de les décrire.

Dès le commencement de la Révolution, les membres de l’Assemblée constituante, qui pour la plupart savaient par expérience combien la justice était incomplète en France, renversèrent le vieil édifice et résolurent de le reconstruire. Jusqu’à cette époque, on ne s’était occupé que des juges, de leurs prérogatives et de leurs privilèges ; on prit à tâche alors de protéger l’accusé, qui, enfin jugé publiquement, put faire comparaître les témoins à l’audience et être assisté d’un avocat ; mais l’innovation la plus grave, celle qui devait donner à la justice un caractère social qu’elle n’avait point encore connu, ce fut l’institution du jury, que les législateurs empruntèrent aux coutumes anglo-saxonnes. Adrien Duport, ancien conseiller au parlement et membre de l’Assemblée nationale, fut le vrai réformateur de la justice ; à force de bon sens et de lo-