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petit siège extrêmement bas, sans dossier, et qui lui mettait « les genoux dans le menton ». Les motifs que l’on invoquait pour refuser à tout individu compromis dans une affaire capitale le droit de se faire assister d’un avocat reposaient sur une argutie au moins étrange. Comme il ne s’agit ordinairement, dans les procès criminels, que de faits que personne ne connaît mieux que l’accusé, le conseil qui lui serait donné ne pourrait servir qu’à lui suggérer des moyens propres à atténuer la vérité de ces mêmes faits et à éloigner la punition du crime[1]. »

Non-seulement la justice semblait n’avoir nul souci de l’accusé, mais il arrivait que ses formes étaient jugées trop lentes, ou qu’elles paraissaient trop indulgentes encore ; car il n’est pas sans exemple que le roi, évoquant une affaire près de lui, l’ait résolue seul, de sa propre autorité. Dans son intéressant ouvrage, M. Berriat Saint-Prix cite plusieurs ordonnances royales, en vertu desquelles le roi commandait de « pandre et estrangler » certains criminels, comme on fait abattre un cheval vicieux ou un chien enragé. Les peines infligées correspondaient à cette absence des formes les plus élémentaires ; elles étaient naïvement violentes, sans proportion avec les fautes, enlaidies par des raffinements de cruauté auxquels on serait tenté de ne pas croire, si les preuves n’étaient là pour convaincre les plus incrédules. La volonté de mettre l’expiation en rapport avec le crime ne dominait pas seule les faibles esprits de ce temps ; il s’y mêlait je ne sais quelle étrange intention d’épuration morale par la souffrance, et d’idéal divin qui, pour ainsi dire, donne un corps aux tortures imaginaires que les prêtres se plaisaient à détailler, lorsqu’ils parlaient de

  1. Cf. Pothier, cité dans des Tribunaux et de la procédure au grand criminel au dix-huitième siècle, etc., par M. Ch. Berriat Saint-Prix, conseiller à la cour impériale.