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sence d’un farceur déterminé ou d’un fou. Un homme est arrêté au moment où il veut forcer l’entrée du palais de Saint-Cloud et parler à l’empereur. On le conduit à la préfecture de police, il prétend qu’il se nomme Sidi-Sahel et qu’il est envoyé près de Napoléon III par Nana-Sahib. Il est né dans l’Inde anglaise. On l’interroge en anglais, il ne comprend pas ; on lui parle hindoustani, il n’en sait pas un mot. Le médecin du dépôt l’examine et reconnaît qu’il est atteint de délire partiel ; on l’envoie à Bicêtre. Le médecin de Bicêtre déclare qu’il est parfaitement sain d’esprit ; on le ramène au dépôt. Le médecin du dépôt persiste dans sa première opinion, on le reconduit à Bicêtre ; le médecin de Bicêtre dit de nouveau qu’il n’est pas fou, on le réintègre au dépôt. Pendant ce va-et-vient qui se renouvelle plusieurs fois, Sidi-Sahel est très-calme, se plait au dépôt et ne s’ennuie pas à Bicêtre. Il faut prendre un parti cependant, et ce transvasement perpétuel d’un homme qui est fou ici et qui là n’est plus fou ne peut se prolonger. Comme il est étranger, on lui applique la loi du 3 décembre 1849, et sur sa demande on le reconduit à la frontière belge. Quatre jours après, il se rend à un poste de police de Paris parce qu’il est sans asile. C’est un cas de rupture de ban ; il passe en police correctionnelle et est frappé de trois mois de prison. Sa peine faite, sur sa demande encore on le transporte à la même frontière. Six jours après, on arrête un nommé Reybaud en flagrant délit de filouterie. On l’envoie au dépôt, où il est reconnu. C’est Sidi-Sahel. Une nouvelle condamnation l’envoie en prison, où il est encore. Il ne s’appelle ni Sidi-Sahel, ni Reybaud ; quel est son nom ? Est-ce un criminel ? est-ce un maniaque ? Nul ne le sait[1].

  1. Sidi-Sahel, que j’ai vu à Mazas, était un homme fort doux, d’une soumission exemplaire et doué d’aptitudes notables pour la comptabilité. Il était contre-maître dans sa galerie et n’abusa jamais de la liberté très-