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incompatibles avec toute discipline sociale, ne sont pas très-rares. Le vol finit toujours par les tenter et le bagne par les saisir ; aussi est-il à regretter que la France n’ait point de colonies pénitentiaires spécialement destinées à ces enfants perdus, avant-garde des criminels, qui trouveraient dans les libres espaces d’outre-mer une vie d’aventures qui les sollicite invinciblement et qu’ils ne peuvent sans danger mener au milieu de nous.

Un chef de service consacre exclusivement son temps à l’interrogatoire des vagabonds, des égarés, des défaillants de toute sorte. Il ne peut rien pour la répression, puisque en France la loi seule peut punir ; mais il a un pouvoir discrétionnaire considérable lorsqu’il s’agit de prendre des mesures de bienfaisance. C’est dans son bureau que passent toutes les misères errantes de Paris, les enfants d’abord et qu’on appelle les premiers, pour les enlever à la périlleuse captivité du Dépôt. Tous ceux qui ont fui la maison paternelle dans un moment de dépit, ou poussés par un de ces besoins subits d’indépendance que les jeunes cervelles éprouvent parfois et qu’une nuit au poste a singulièrement refroidies, arrivent fort penauds, se grattant la tête à deux mains et pleurant à chaudes larmes ; il n’est pas difficile de les consoler, mais parfois il n’est point aisé de calmer le père qu’on a fait venir, qui déclare qu’il ne veut plus d’un bandit pareil et qui brutalement dit : Qu’il aille se faire pendre ailleurs ! On y parvient cependant en essayant de faire vibrer les cordes qui ne se détendent jamais complètement dans les cœurs paternels. Souvent c’est un enfant égaré que les sergents de ville ont recueilli dans l’intérêt de sa propre sûreté. D’autres fois, — trop souvent, — l’enfant n’est pas seulement égaré, il a été perdu intentionnellement par des parents mau-

    1872. Il est né en 1848 ; à l’âge de 24 ans, il avait donc été arrêté soixante et une fois pour vagabondage, mendicité et rupture de ban.