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reconnaissance trop certain, pour qu’il n’en soit pas parlé ici. On dirait que, par une sorte de bravade contre la police, de défi jeté à la société, les voleurs s’ingénient à se timbrer de marques indélébiles qui équivalent le plus souvent à une constatation d’identité. Chez la plupart d’entre eux, c’est de la forfanterie ; mais pour plusieurs c’est le résultat de l’ennui et du désœuvrement. Dans les préaux des prisons, ne sachant que faire, ils s’abandonnent à ce passe-temps au moins inutile, quand il n’est pas dangereux. Il en est de même dans les casernes et à bord des navires pendant les longues heures mélancoliques que la discipline laisse inoccupées. L’imagination des tatoueurs va souvent plus loin qu’on ne pourrait le croire, et l’on cite un matelot marseillais qui s’était fait tatouer, des pieds aux épaules, d’un costume d’amiral ; rien n’y manquait, ni les boutons, ni les épaulettes, ni l’épée, ni la ceinture, ni même la plaque et le grand cordon de la Légion d’honneur.

L’opération est fort simple. À l’aide d’un poncif, on estampe sur telle partie du corps indiquée un dessin quelconque, puis avec quatre aiguilles enfoncées par la tête dans un bouchon qui sert de manche et réunies par la pointe à angle aigu, on pique les contours de l’image assez profondément pour pénétrer dans le derme ; selon qu’on veut donner au tatouage une teinte bleue, jaune ou rouge, on trempe les aiguilles dans de l’encre de Chine, de l’ocre ou du cinabre. Le premier procédé seul laisse une trace indélébile ; l’ocre pâlit peu à peu et finit par devenir indistincte ; quant au cinabre, qui est, comme chacun sait, composé de soufre et de mercure, il semble attiré par les ganglions lymphatiques ; ceux-ci l’absorbent rapidement et l’image disparaît.

On peut jusqu’à un certain point, en examinant le tatouage d’un individu, savoir, non pas s’il est du nord ou du midi de la France, mais du moins reconnaître