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ment. Lorsqu’ils partent pour une de leurs aventures familières, le chef de service leur recommande toujours d’éviter le coton, c’est-à-dire de procéder d’une manière très-circonspecte, d’empêcher qu’il y ait rixes ou batailles, et de ne compromettre en rien les établissements où ils vont rechercher les voleurs. Au mois de novembre 1868, une soustraction fut commise au préjudice d’un bijoutier, qui fit immédiatement sa plainte à la sûreté. Le soir, on connaissait l’auteur du vol, et l’on savait qu’il était en train de souper dans un des restaurants célèbres du boulevard avec une actrice très à la mode. Le bijoutier prévenu voulait qu’on saisit son voleur sans désemparer, qu’on brisât les portes au besoin. On calma cette belle ardeur, qui eût amené le coton prohibé ; on mit des agents en surveillance à toutes les issues du café, et à deux heures du matin, au moment où le filou offrait la main à sa compagne, parée des bijoux volés, pour la faire monter en voiture, on l’arrêta sans scandale et sans bruit. Le bijoutier n’avait pas lâché pied ; il en fut quitte pour un gros rhume.

Parfois un enchaînement très-naturel de circonstances amène un résultat qui au premier abord semble tenir du miracle. En 1866, trois Anglais entrent chez le chef du service de sûreté ; ils déclinent leurs noms : l’un est un des principaux agents de la police de Londres, les deux autres sont de riches bijoutiers de la Cité. Ils disent que, quatre jours auparavant, un commis a dévalisé complètement la boutique de ses patrons, a enlevé pour 400 000 francs de bijouterie, que le voleur est sans doute à Paris et qu’il serait urgent de le faire rechercher. Au signalement donné, le chef du service répond : « Je connais votre affaire. » Puis il fait extraire du Dépôt un détenu qui était bien le coupable, et montre aux Anglais stupéfaits trois caisses qui contenaient les bijoux réclamés. L’émotion fut si forte, qu’un des bijoutiers s’évanouit.