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si grande, il dit volontiers tout ce qu’il peut savoir.

Aussi on a dans les prisons parisiennes, au dépôt de la préfecture de police, des révélateurs auxquels on donne quelques sous de temps en temps et qu’on appelle la musique. Ils racontent les confidences qu’ils ont reçues, indiquent le vrai nom des individus qui cachent leur identité, et mettent bien souvent l’administration à même de marcher à coup sûr dans des circonstances où la sagacité seule des agents pourrait être mise en défaut. À cet égard, on laisse une certaine latitude au chef du service de sûreté pour accorder quelques adoucissements compatibles avec le règlement intérieur des prisons, et l’on fait bien : c’est de la bienveillance placée à gros intérêts.

Il y a des cas subits, isolés, qui échappent à l’action des indicateurs. Les inspecteurs sont livrés à leur seule induction, et parfois ils ont accompli de véritables tours de force. Le 6 octobre 1865, on trouve dans le bois d’Orgemont, prés d’Argenteuil, le cadavre d’un vieillard assassiné qui est reconnu pour être M. Lavergne. La veille, il a été rencontré en compagnie d’un homme de mauvaise mine, coiffé d’une casquette rabattue sur les yeux, chaussé de brodequins à bouts larges, et portant au-dessus du pouce de la main gauche une sorte de tache bleuâtre qui pouvait bien être un tatouage. Muni de renseignements aussi vagues, on se met en chasse. Dès le 8, on est sur la piste de l’assassin ; d’autres indications recueillies çà et là permettent de compléter son signalement. Le 9, on sait dans quelle mauvaise maison il a passé la nuit du 6 au 7 et qu’il se nomme Gabriel. Le 10, on suit de plus près ; on a retrouvé l’emploi de son temps depuis le crime ; les recherches continuent avec un ensemble admirable ; on reconstitue sa vie heure par heure, mais nul encore n’a pu le joindre ni le saisir. Le 11, on apprend à n’en pouvoir douter que c’est un forçat en