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besogne est faite. La galerie, éclairée par le gaz, qui jette des lueurs blanches sur les murailles neuves, est divisée en 169 petits bureaux. C’est là que le garçon de recette s’installe, à sa table, défendu contre les ardeurs indiscrètes du public par un fort treillis de fer qui fait ressembler sa cabane à une cage. Son nom et son numéro, inscrits en gros caractères, servent d’indication à ceux qui le cherchent. Des plantons, des invalides pris pour la circonstance et qui semblent fort ahuris au milieu de ce monde, en présence de ces billets de banque qu’on feuillette d’un doigt rapide, de ces masses d’or qu’on pèse lestement sur des balances, mettent un peu d’ordre dans la foule, ne la laissent entrer que petit à petit et font parfois des réflexions baroques. — Ah ! me disait l’un d’eux en regardant une liasse de billets de banque qui représentait bien 5 ou 600 000 francs, si j’avais cela, je mettrais tous les jours une côtelette de porc frais à l’ordinaire ! — Si j’étais roi, disait un bouvier de la Sabine, je garderais mon troupeau à cheval !

Les zones sont très-différentes entre elles. Celle du faubourg Saint-Germain est représentée par des domestiques en livrée, qui viennent payer le billet de leur maître ; celle de la rue Notre Dame-de-Lorette montre de petites femmes piaillardes, remuantes, jouant des coudes pour se faire faire place, regardant l’heure à toute minute, tant elles craignent de manquer le diner auquel elles sont invitées ; elles tiennent en main 25 ou 50 francs qui doivent acquitter le billet fait à la marchande à la toilette pour un faux chignon ou une perruche verte ; celle de la rue Notre-Dame-de-Nazareth est fréquentée par un monde assez sordide, en grande redingote traînante, à longs cheveux gras : œil inquiet, regardant par-dessus des besicles, nez pointu, barbe de bouc, mains osseuses et d’une propreté peu