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des agents du service de sûreté, inventer des moyens de contrôle et diriger de mystérieuses enquêtes sur toute personne qui prêtait au soupçon, la nuit était absolue et nulle lumière ne venait l’éclairer. On n’était pas éloigné de croire à une vaste association de malfaiteurs admirablement outillés et aussi hardis qu’habiles. Les billets n’étaient point parfaits, mais ils accusaient une main exercée, et jamais encore on n’en avait vu dont l’imitation fût aussi redoutable. Tout le monde pouvait y être trompé, à l’exception des employés de la Banque cependant, qui, avec leur habileté ordinaire, avaient promptement découvert un défaut qui ne laissait aucun doute. Prés de la tête du Mercure qui sert d’ornement à la console supportant le cartouche où se trouve reproduit l’article 159 du code pénal, apparaissait un point noir, trace visible d’une cheville trop longue oubliée dans la planche à graver. Sans cet indice il eût peut-être été fort malaisé de distinguer les billets vrais et les billets faux. Les années s’écoulaient, les billets étaient présentés avec une persistance inquiétante ; la Banque payait et ne disait mot, car elle craignait, en divulguant ce secret, de voir discréditer toutes ses émissions de 100 francs. Enfin, en 1861, à la suite de péripéties, de fausses démarches, d’hésitations que je regrette de ne pouvoir raconter en détail, les recherches, sur l’indication presque prophétique du secrétaire général, prirent une direction unique, précise, et l’on acquit enfin, après huit années de tentatives infructueuses, la certitude que le coupable était un sieur Giraud de Gâtebourse. L’agent qui fut en partie cause de son arrestation s’appelait Tenaille : deux noms prédestinés. Le métier était bon sans doute, car Giraud menait une vie fort agréable ; il avait onze domestiques, dix chevaux et une meute de chiens de Saintonge.

C’était un ancien graveur ; sous prétexte d’apporter