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or au moment où on la frappait, en 1841 ; c’était une masse pesant un kilogramme, reluisante, à reflets magnifiques, digne de figurer dans n’importe quel musée. Deux spécimens en avaient été frappés, l’un pour le roi Louis-Philippe, l’autre pour le ministre des travaux publics : que sont-ils devenus ?

Malgré les perfectionnements apportés au mode de fabrication, malgré les progrès de la chimie, qui peut déterminer les alliages avec une certitude mathématique, les belles médailles sont rares aujourd’hui. Lorsqu’on va au cabinet de la Bibliothèque impériale et qu’on voit les monnaies grecques et siciliennes, le grand stater d’Eucratides, l’auguste d’or, les philippes et les alexandres de Macédoine, les médailles italiennes du seizième siècle, et même quelques médailles françaises des règnes de Louis XIII et de Louis XV, on se demande avec étonnement pourquoi cet art si précieux, si exquis, semble ne pouvoir se relever de la décadence qui l’a atteint sur la fin du siècle dernier. La froide école de David et ses étroites maximes l’énervent encore. À force de vouloir faire du style, nos graveurs, à qui nul ne pourrait dénier le talent d’exécution, restent dans une rigidité de lignes, une roideur d’attitudes, qui ne sont pas de la grandeur, et qui ôtent tout ce qui constitue l’expression, c’est-à-dire la vie. Leurs effigies ne sont que des têtes, il n’y a pas d’âme ; ce sont moins des visages que des masques. On dirait que ces artistes, immobilisés dans des régles mesquines, se défient d’eux-mêmes et reculent avec effroi devant toute tentative d’originalité. Les traditions qu’ils respectent ont eu leur raison d’être à une époque où il a fallu réagir brutalement contre les afféteries des maîtres du dix-huitième siècle ; mais ces traditions n’ont plus rien à nous apprendre aujourd’hui, et c’est faire acte de faiblesse que de s’y soumettre encore.