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l’importance est douloureuse, il faut retrancher les femmes qui ne furent pas et dont les cas de folie donnent 47 p. 100 ; de plus, il faut admettre, car le fait est trop éclatant pour pouvoir être nié, que, depuis une vingtaine d’années, la France est envahie par une maladie dont la Suède, la Norvége et l’Angleterre semblaient avoir le triste privilège : je veux parler de l’alcoolisme, que notre armée d’Afrique nous a apporté avec l’absinthe.

Là, et non ailleurs, il faut chercher la vraie cause de l’accroissement des maladies mentales ; là est le réel poison, dans cette liqueur verte, violente, qui contient 72 degrés d’alcool, qui brûle, détruit, désagrège si bien l’organisme, que M. Renard, médecin militaire à Batna, a reconnu sur le crâne des buveurs d’absinthe des traces d’exfoliations et de dépressions transparentes ; c’est ce vert-de-gris fluide qui pousse aux méningites, à l’abrutissement, à la fureur maniaque, à toutes les altérations du cerveau, et non point le tabac, qui, après tout, et tel qu’on le prépare, n’est qu’un narcotique adouci, auquel on s’habitue facilement, dont l’usage modéré est sans péril et où l’on trouve l’adoucissement à bien des ennuis. Il appartient à la grande famille des solanées, des consolatrices. Pour se convaincre qu’il ne mérite point tant d’anathèmes et qu’il ne détruit ni la raison ni la santé, il suffit de voir ce qui se passe dans la marine et dans les manufactures de la régie.

Il est certain que le rôle est la forme de tabac qui introduit le plus de nicotine dans l’organisme, puisqu’il est mâché et qu’il pénètre ainsi dans les voies digestives. Les marins ont toujours du tabac à la bouche, car il leur est défendu de fumer dans les entre-ponts et pendant la durée du service. Le personnel de notre flotte est aujourd’hui environ de 30 000 hommes, qui offrent exactement, malgré les voyages et le séjour dans