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connaître non-seulement le cru d’un cigare, l’origine de la fabrication, mais encore, — c’est à en douter, — si la feuille a été cueillie au commencement ou à la fin de la récolte. Ce travail, c’en est un et des plus pénibles, s’accomplit au dernier étage de la manufacture, dans une immense salle ou de larges fenêtres versent l’air et emportent les nuages de fumée.

Lorsque les experts ont reconnu qu’une sorte de cigares avait perdu pendant le voyage quelque finesse de saveur, ils en baissent le prix ; si l’altération est trop grave, ils les font réexpédier à l’étranger pour être vendus au profit de qui de droit ; il est juste de dire que les précautions prises par l’administration sont souvent vaines et que ces cigares refusés sont rentrés en France par contrebande, apportés à Paris et offerts pour des prix exorbitants, à des consommateurs naïfs qui les fument avec délices et disent : Si au moins la régie nous vendait de pareils cigares !

Quant à ceux qui arrivent intacts sous tous les rapports, ils sont enfermés dans des armoires construites le long de chambres obscures à doubles cloisons, à double plafond, à double plancher, où ils restent dix-huit mois ou deux ans, au milieu d’une atmosphère qu’on rend facticement, comme à la manufacture de Reuilly, aussi semblable que possible à la température de Cuba. Grâce à ce service si parfaitement organisé et dont les différents détails sont entourés à la Havane et à Paris de précautions sans nombre, les cigares de luxe sont en France supérieurs comme qualité et comme bon marché à tout ce que l’on fume en Angleterre et en Allemagne, où cependant ce genre de commerce est libre ; mais cette liberté amène des fraudes multiples, fraudes telles qu’un négociant anglais donne du tabac de Virginie à trois shillings la livre, lorsque la livre du tabac de Virginie est frappée d’un droit d’entrée de