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la partie antérieure de la machine. Une toile sans fin, manœuvrant par un mouvement continu sur deux rouleaux, reçoit le tabac, et l’amène progressivement sous un linteau de fer qui le comprime. Une roue dentelée et régularisée tourne sous l’influence de la vapeur, et à chaque mouvement de la lame fait avancer le tabac d’un millimètre, de façon qu’il se trouve précisément sous le couteau. Ce dernier s’abaisse avec une force irrésistible, et tout le tabac, tranché d’un seul coup à la limite que détermine une vis régulatrice, tombe dans une large manne disposée pour le recevoir.

Marchant sans interruption, un hachoir coupe facilement 100 kilogrammes de scaferlati en une heure ; mais à ce métier-là les lames s’émoussent vite : aussi on les remplace deux fois par heure ; celles qui sont détachées sont portées à un rémouleur, qui les aiguise sur une meule à laquelle la vapeur imprime des rotations que l’œil ne peut suivre. Ce n’est pas une petite affaire de rendre le tranchant à ces couteaux ; la force d’un homme suffit à peine, et il faut qu’il arc-boute contre son épaule une sorte de béquille en bois qui, prenant un point d’appui sur la lame, la maintient violemment contre la roue de grès, d’où jaillissent d’innombrables étincelles. L’acier, choisi parmi les meilleurs, est tiré de l’usine de MM. Petin et Gaudet. Cependant ces lames ne résistent pas toujours, et souvent elles rencontrent un obstacle qui les mène à mal. Parfois le hachoir est pris d’une oscillation subite, il a l’air de trébucher, le châssis bondit hors des coulisses, et le couteau se sépare en deux comme un verre brisé ; c’est que par inadvertance on a laissé glisser dans le tabac un clou, une clef, un objet de fer quelconque et que l’acier, d’autant plus fragile qu’il est mieux trempé, s’est rompu par la violence du choc.

Lorsque le tabac sort des hachoirs, il est plat, mouillé,