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leur récréation, sans plus de souci que si c’étaient des cailloux ou des mottes de terre. Tous ces morceaux de pain couverts de poussière, tachés d’encre, qui ont trempé dans les ruisseaux, qui ont durci oubliés derrière un tas d’ordure, sont recueillis avec soin par les domestiques et vendus aux boulangers en vieux. Ceux-ci divisent leur marchandise en catégories, selon qu’elle est plus ou moins avariée. Les fragments encore présentables, préalablement séchés au four et passés à la râpe, deviennent les croûtes au pot et servent à faire de la soupe ; la plupart des croûtons en forme de losanges posés sur les légumes n’ont point d’autre origine. La mie et les croûtes trop défectueuses sont battues au mortier, pulvérisées, et forment la chapelure blanche que les bouchers emploient pour paner les côtelettes et la chapelure brune dont les charcutiers saupoudrent les jambonneaux. Quant aux débris infimes, on les fait noircir au feu, on les pile, et ainsi réduits en poudre noirâtre on les mêle avec du miel arrosé de quelques gouttes d’esprit de menthe, de façon à en composer un opiat pour les dents, qui, dit-on, n’est pas plus mauvais qu’un autre.

Un incendie occasionné par une fuite de gaz, et dont Paris s’est effrayé à juste titre, a détruit de fond en comble, dans la nuit du 10 juillet 1868, le pavillon n° 12 où s’abritaient les marchands de viandes cuites. La préfecture de la Seine s’est mise à l’œuvre avec un louable empressement ; moins d’une année après ce sinistre, tout dégât était réparé, et un nouveau pavillon s’élevait à la place de celui que le feu avait dévoré[1].

Les Halles sont bien grandes, l’aménagement en a été fait avec soin, et cependant elles sont insuffisantes

  1. Voy. Pièces justificatives, 5.