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d’hui qu’on a eu raison d’avoir recours à ces légers matériaux qui, mieux que tous autres, remplissent les conditions qu’on doit exiger dans des établissements semblables. Depuis 1851, on n’a cessé de travailler aux Halles, et cependant elles ne sont pas encore terminées. Rien n’a manqué cependant, ni l’activité, ni l’argent ; mais l’œuvre était longue, d’autant plus longue et délicate qu’on l’avait entreprise sur les terrains occupés par les marchands, qu’il a fallu respecter leurs droits, ne pas apporter une trop vive perturbation dans les habitudes traditionnelles de ce monde à part, et qu’on a été contraint alors d’avancer avec une prudence extrême qui a entraîné beaucoup de lenteur. Il est probable cependant que l’on touche au terme, et que bientôt les Halles, absolument reconstruites, offriront une telle ampleur que nul marché connu ne pourra leur être comparé.

Le changement a été si profond qu’il n’a rien laissé subsister des choses du passé. Les piliers, ces fameux piliers des Halles dont il a été tant parlé jadis, ont disparu ; les passages entre-croisés, sales, malsains, par où si difficilement on arrivait sur le carreau, ont fait place à des voies larges, aérées et commodes ; ces cabarets qui dès minuit s’ouvraient à toute la population vagabonde de la grande ville, aux chiffonniers, aux ivrognes, aux repris de justice, qui là, sous toutes sortes de dénominations, trouvaient de l’alcool à peine déguisé[1]; ces repaires où l’ivresse engendrait la dé-

  1. On lit dans le Journal des Débats du 21 août 1872 : « On a enterré avant-hier, au cimetière de La Chapelle-Saint-Denis, un nommé Étienne Salies, mort à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Cet homme avait tenu pendant plusieurs années un établissement public connu de la France entière : c’est lui qui, au moment de la démolition des ruelles avoisinant les Halles centrales, exploitait, au n° 26 de la rue aux Fers, le célèbre cabaret désigné généralement sous le nom de Paul Niquet. On sait que ce cabaret était souvent le repaire des vagabonds, le réceptacle de toutes les immondices sociales. On y entrait par une allée longue,