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dangereux. Certains esprits forts ont pu faire, par curiosité, un essai qu’ils n’ont pas renouvelé, mais la masse ne s’est point laissé entraîner par toutes les belles promesses qu’on faisait au nom de l’hippophagie, et franchement nous ne pouvons l’en blâmer. Une ordonnance de police du 6 juin 1866 a réglé les conditions d’existence des boucheries de cheval, qui ont commencé à fonctionner le 9 juillet de la même année ; au 31 décembre 1866 on en comptait 22 ; aujourd’hui il n’en existe que 19, qui toutes font d’assez maigres affaires ; il y a quatre abattoirs spéciaux à Bicêtre, Gentilly et Pantin. Le nombre des animaux mis à mort jusqu’à ce jour (septembre 1869) a été de 5 801 chevaux, 246 ânes et 37 mulets ; la moyenne de l’âge est de 14 ans et le total du poids de la viande qu’on en a retirée est de 1 121 520 kilogrammes.

Ces établissements sont surveillés aussi par les inspecteurs de la boucherie, qui saisissent tout animal insalubre ; dans un seul abattoir, 24 chevaux ont été détruits et livrés aux fabricants d’engrais, parce que sur ce nombre cinq étaient atteints de fracture avec fièvre, dix de morve et de farcin, sept d’affections chroniques de poitrine, deux d’ulcères et de maladies cutanées.

La viande des chevaux livrés aux bouchers se décompose vite, car elle est presque toujours frappée d’anémie par suite des longues fatigues que l’animal a supportées et qui ont ruiné son organisme ; il faut s’en défaire cependant et les acheteurs n’en veulent pas. Alors on en confectionne des saucissons auxquels on donne la forme et l’apparence de ceux qui sont fabriqués à Arles, en Lorraine, en Allemagne, et on les écoule en les faisant vendre par des fruitiers, des épiciers, des marchands de salaisons[1]. Au bout de peu de temps cette charcute-

  1. On fabrique des saucissons avec toute autre chose que de la viande de cheval ; le Moniteur universel du 30 août 1872 raconte le fait sui-