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séjourné, depuis la minute où elle a été déposée à la poste jusqu’à celle où elle est enfin remise au destinataire.

Dans ce bureau spécial, chacun travaille avec une sorte de défiance ; une main écrit, l’autre est placée sur le précieux dépôt. La consigne y est tellement sévère que nul employé ne peut s’absenter pour n’importe quel motif, pour si peu d’instants que ce soit, sans avoir confié les lettres dont il est dépositaire à l’un de ses camarades, qui lui en donne un récépissé. Ce dernier alors prend en charge les dépêches jusqu’à ce que l’absent soit revenu et ait restitué le reçu après vérification. Chaque lettre est l’objet d’un procès-verbal particulier sur lequel sont relatés la date, le poids, la taxe, ainsi que le nombre, la couleur et la devise des cachets. Il faut reconnaître que l’administration des postes a fait tout ce qui était possible pour assurer la régularité de ce service, à la fois si important et si délicat. Quelle valeur représentaient les lettres que j’ai vues dans ce bureau lorsque je le traversais sans que ma présence ait fait seulement lever la tête aux employés ? On peut le dire avec une certitude presque positive.

Le bureau central de Paris reçoit et expédie par an 82 millions de sommes déclarées et une énorme quantité de lettres chargées contenant des valeurs inconnues, mais dont on estime le montant à plus d’un milliard. C’est donc une somme de 2 964 383 francs que j’avais sous les yeux, garantie par une frêle enveloppe de papier et fermée par des cachets fragiles, faible défense contre une telle tentation. Certes les précautions ingénieusement prises par l’administration sont indispensables ; mais la moralité des agents les rend superflues, de même que leur improbité les rendrait illusoires.

Un simple rapprochement de chiffres prouvera de quelle estime et de quel respect sont dignes les hommes