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d’eau bouillante ne peut amollir que la cire animale et non point la cire-résine qu’on emploie pour sceller les lettres ; ce procédé est bon pour décoller sans lacération les pains à cacheter. Quant à prendre une empreinte avec du mercure, cela est absolument impossible, à moins qu’on n’arrive à le congeler en abaissant subitement la température à 40° au-dessous de zéro ; mais en combinant du mercure et de l’argent on obtient un amalgame très-malléable, qui durcit rapidement, conserve nettes les arêtes d’une empreinte et peut parfaitement servir de sceau pour rétablir un cachet[1]. La découverte de nouveaux métaux a singulièrement amélioré ces procédés primitifs ; certaine cire spécialement préparée suffit au besoin, et l’on pourrait aujourd’hui, si on y avait intérêt, opérer presque à coup sûr et de façon à tromper les yeux les plus défiants.

  1. Les Lettres de la Palatine confirment le récit de madame du Hausset et prouvent que la façon de procéder ne s’était point modifiée en passant du régent à Louis XV. Elle écrit, en effet, le 2 décembre 1717 : « Il ne sert à rien de cacheter les lettres avec de la cire ; on a une espèce de composition faite avec du vif-argent et d’autres substances qui enlèvent la cire, et lorsque les lettres ont été ouvertes, lues et copiées, on les recachète si adroitement que personne ne peut découvrir si elles ont été ouvertes. Mon fils sait fabriquer cette composition ; on l’appelle gama. » Madame, mère du régent, parlait l’allemand aussi mal que le français ; en allemand, amalgame se dit amalgama ; elle n’a retenu que les deux dernières syllabes. Du reste, dans toute sa correspondance, on trouve incessamment plus que des allusions à l’ouverture des lettres : voir, dans l’édition Rolland, Lettres du 19 février 1682, du 29 août, du 1er  novembre 1683 ; dans l’édition Brunet, Lettres du 4 juillet 1698, du 15 mai 1701, du 19 février 1703, du 17 mars 1706, du 18 octobre 1709, du 20 juillet 1711, du 13 juillet 1713, du 18 juillet, du 6 septembre 1715, du 14 juillet 1718, du 2 novembre 1719, du 3 octobre 1720, du 6 mars 1721. Elle sait que toutes ses lettres sont lues, elle en profite pour faire connaître son opinion à qui de droit ; le 19 juin 1721, elle écrit : « L’abbé Dubois m’a fait dire qu’il ne se mêlait nullement de la poste, et qu’elle regardait exclusivement M. de Torcy ; mais ils sont tous deux des œufs pourris et du beurre gâté ; ils ne valent pas mieux l’un que l’autre, et ils seraient tous les deux mieux à leur place à la potence qu’à la cour, car ils ne valent pas le diable et ils sont plus faux que le bois du gibet. S’il a la curiosité de lire cette lettre, il verra l’éloge que je fais de lui, et il reconnaîtra la vérité de notre proverbe allemand : Celui qui écoute aux portes entend dire bien du mal de lui. »