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triers. Les carrosses arrêtèrent devant le château ; chacun s’empressait d’approcher les infortunés qui y étaient, afin de leur porter des secours ; mais on écarta tout le monde indistinctement, même les plus considérés des ministres étrangers, parce que, nul officier n’étant présent, il fallait auparavant attendre les ordres.

Enfin on obtint de pouvoir porter dans les appartements de M. de Jacobi, ministre du roi de Prusse, madame Roberjot, étendue à demi morte dans la voiture qui arrêtait devant la porte de ce ministre. Madame Debry, ainsi que ses deux filles, furent obligées de descendre de leur voiture dans la rue, parce que jamais on ne voulut permettre que les carrosses entrassent dans les cours du château ; ceux-ci furent conduits à la porte d’Ettlingen. On demanda les chevaux de la cour pour les conduire le lendemain à Gernsbach, ce qui fut contremandé cependant le matin même. Les dames furent conduites à pied dans leur ancienne demeure au château par plusieurs membres du corps diplomatique ; mais elles furent bientôt après transportées dans la maison du soussigné ministre de Brandebourg, afin d’être plus à portée de leur donner des secours. On apprit les détails de l’assassinat de Roberjot par son valet de chambre, qui avait été dans la même voiture. Il déposa que « des hussards s’étaient présentés à la portière, qu’ils en avaient brisé les glaces et demandé le ministre Roberjot. Sur quoi celui-ci avait répondu en français : oui, en produisant en même temps le passe-port de l’envoyé directorial de Mayence ; que les hussards avaient déchiré ce passe-port ; qu’ils avaient fait sortir de force le ministre de sa voiture, et lui avaient porté plusieurs coups très-violents ; que l’infortuné ayant donné cependant encore quelques signes de vie, et sa femme ayant crié : Oh ! sauvez ! sauvez ! les hussards avaient redoublé leurs coups ; que madame Roberjot alors s’était élancée sur le corps de son mari, mais que lui (valet de chambre) l’avait saisie fortement dans ses bras, lui bouchant les oreilles, et empêchant qu’elle n’entendît les cruels gémissements du mourant ; que lui, valet de chambre, avait été jeté hors de la voiture par un hussard qui lui avait demandé : domestique ? et ayant répondu affirmativement, le hussard lui avait donné à entendre, par signes, qu’il n’avait rien à craindre ; que néanmoins il s’était saisi de sa montre et de sa bourse ; que la même chose était arrivée à madame Roberjot. »

Cependant plusieurs d’entre nous ont remarqué que la voiture n’avait pas été pillée entièrement, mais qu’on y avait laissé de l’argent et des effets précieux. Lorsque madame Roberjot quitta sa voiture, elle tomba de défaillance en défaillance, s’écriant à plusieurs reprises, avec une voix déchirante : On l’a haché devant mes yeux !

Le secrétaire de légation Rosenstiel, qui se trouvait dans une des dernières voitures, et par conséquent près de la ville, s’est vraisem-