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approche. Dans les rencontres les plus violentes, il est rarement ébranlé : mole suâ stat. Toute voiture, coupé, calèche, charrette, pirouette à son choc ; il n’y a que les fardiers qui lui résistent ; aussi il les respecte et leur cède sans discussion le haut du pavé. Les accidents causés par les omnibus sont relativement assez rares ; on a calculé qu’il s’en produisait un pour 4 800 kilomètres parcourus, et j’appelle accident tout ce qui peut donner lieu à un rapport, une vitre brisée aussi bien qu’une voiture défoncée, un essieu tordu aussi bien qu’un homme écrasé ; en somme, les accidents frappant les personnes et pouvant entraîner une incapacité de travail sont de un par jour ; ceux qui atteignent les voitures et qui méritent d’être signalés sont au nombre de deux[1].

Il fut un temps où les omnibus subissaient eux-mêmes des accidents graves et souvent irréparables. C’était dans les jours d’émeute. L’omnibus qui pouvait sain et sauf regagner son dépôt, avait été favorisé du ciel ; à tous les coins de rue, les insurgés le guettaient ; on se jetait à la tête des chevaux, on les arrêtait, on faisait descendre les voyageurs, en ayant soin d’offrir galamment la main aux dames, on laissait au cocher le temps de dételer ; puis la voiture, en deux coups d’épaule, était jetée bas, les roues en l’air ; on l’assurait de quelques pavés, on la flanquait de deux ou trois tonneaux remplis de sable ; au sommet de son timon, redressé comme un mât, on arborait un drapeau, et la barricade était faite. L’omnibus devenait ainsi un instrument de désordre ou de victoire, selon les péripéties de la journée. L’année 1848 a coûté cher à la Compagnie, qui s’en souvient encore avec une certaine amertume.

  1. D’après une statistique, le nombre des accidents causés aux personnes, par toute espèce de voitures, avait été, en 1866, de 1 606, se divisant ainsi : tués, 139 ; blessés, 1 467. De tels chiffres me paraissent exagérés.