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est forcée d’attendre des temps meilleurs. Un crédit de 10 millions pourrait donner à la télégraphie un développement qui la mettrait réellement à la portée de tout le monde. À quoi donc doit servir la fortune publique, si ce n’est à propager, fût-ce même au prix d’un sacrifice important, les inventions utiles qui suppriment les distances, fusionnent les intérêts et offrent à l’industrie des facilités sans précédent jusqu’à ce jour[1] ?

La télégraphie électrique abandonnée à ses seules ressources pourrait sans doute accomplir des réformes importantes, si, comme la poste, elle n’était écrasée par les franchises. Il est grand le nombre des fonctionnaires qui ont droit d’expédier leurs dépêches sans acquitter la taxe, et le nombre en augmente tous les jours. En 1867, la direction des télégraphes a transmis 519 088 dépêches gratuites qui, si elles eussent été payées selon le tarif adopté, eussent produit une recette de 1 336 368 fr. 15. Si les fonctionnaires se contentaient d’envoyer des correspondances écrites en style télégraphique, on comprendrait jusqu’à un certain point cette sorte d’impôt forcé ; mais il n’en est rien : ce sont de véritables épitres qu’ils échangent entre eux ; rien n’y manque, pas même la banalité des protocoles. Cet abus est intolérable, et toute une ligne est souvent occupée par des dépêches portant des récits aussi prolixes qu’inutiles. Le 16 août, une avalanche de télégrammes officiels s’abat dans les stations et vient rouler jusqu’au poste central. Il ne faut pas croire qu’un préfet se contente de télégraphier : « Tout a bien été ; » non pas : il parle des coups de canon qui dès six heures du matin ont annoncé la solennité ; il décrit le Te Deum, raconte la beauté des illuminations et l’attitude des troupes qu’on a passées en revue. Est-ce tout ? Non. Si le préfet envoie

  1. La France, qui, d’après le dernier recensement, a 37 545 communes, ne possède encore que 2 276 postes télégraphiques.