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gris ; lorsque, au contraire, la hausse s’était faite, il envoyait des gants blancs ou un foulard. Selon la nature ou la couleur de l’objet qu’il avait reçu, le préposé faisait un faux signal convenu qui, parvenu à Bordeaux, était communiqué par le stationnaire de la tour Saint-Michel au commis des frères Blanc. Ceux-ci, connaissant vingt-quatre heures à l’avance la cote de Paris, étaient maîtres du marché et faisaient d’importants bénéfices.

Tous ces gens tarés, stationnaires et agioteurs, furent arrêtés et emprisonnés vers la fin du mois d’août 1836.

Le procès s’ouvrit à Tours, le 11 mars 1837, devant la cour d’assises. Les accusés firent des aveux explicites. Guibourt recevait des frères Blanc 300 francs fixes par mois et 50 francs de gratification par faux signal ; c’était beaucoup pour un employé qui gagnait 1 fr. 50 par jour. L’attitude des frères Blanc fut curieuse d’impudence ; leur système consista uniquement à soutenir que tout moyen d’information est licite pour gagner de l’argent, que l’unique préoccupation des gens de bourse étant de savoir d’avance le cours des fonds publics, afin de jouer à coup sûr, ils avaient fait comme beaucoup de leurs confrères, et n’avaient par conséquent rien à se reprocher. Cette morale de cour des Miracles prévalut ; M. Chaix d’Est-Ange plaidait ; il fut habile, dérouta le jury, le fit rire, l’émut, le troubla. Les questions posées concernant Guibout étaient : 1o A-t-il fait passer des signaux autres que ceux de l’administration ? — 2o A-t-il reçu des dons pour faire passer ces signaux ? — 3o En faisant cette transmission, a-t-il fait acte de son emploi ? — Aux deux premières questions, le jury répondit : Oui ; à la troisième, il répondit : Non ; dès lors les accusés étaient non pas acquittés, mais absous, car le verdict venait de déclarer qu’ils ne tombaient pas sous le coup des articles 177 et 179 du Code pénal. Cepen-