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seul leur importait. À l’aide de moulins dont les ailes étaient disposées d’une certaine manière, à l’aide de pigeons dressés à cet effet, on essayait d’être renseigné d’une façon positive sur la hausse ou la baisse de Paris. Une ligne télégraphique secrète fonctionna même régulièrement entre Paris et Rouen. Le gouvernement déjouait ces manœuvres de son mieux, mais il n’y réussissait pas toujours. Le cas n’avait pas été prévu par la loi, et l’on s’en aperçut dans des circonstances qu’il faut rapporter.

Au mois de mai 1836, M. Bourgoing, directeur des télégraphes à Tours, fut informé que les employés Guibout et Lucas, stationnaires du télégraphe no 4 situé sur la mairie, faisaient un usage clandestin de leurs signaux. Une enquête très-prudente fut commencée, pendant laquelle Lucas, tombé malade et près de mourir, fit des aveux complets. On acquit la certitude que Guibout, aussitôt après l’arrivée de la malle-poste de Paris, introduisait un faux signal dans la première dépêche qu’il avait à transmettre sur la ligne de Bordeaux, et qu’aussitôt après il indiquait : erreur. Mais le faux signal n’en parcourait pas moins sa route forcée, il était répété de station en station, il allait à fond de ligne, c’est-à-dire jusqu’à Bordeaux, où le directeur le rectifiait, corrigeait la dépêche fautive et empêchait qu’elle ne parvînt plus loin avec cette indication parasite et inutile. La fraude partait donc de Tours pour aboutir à Bordeaux. Avec le point de départ et le point d’arrivée, la police judiciaire avait entre les mains de quoi découvrir la vérité.

Deux jumeaux, François et Joseph Blanc, habitant Bordeaux, joueurs de bourse et spéculateurs de profession, avaient un agent à Paris ; celui-ci, lorsque le trois pour cent avait baissé dans une proportion déterminée, envoyait par la poste à Guibout, stationnaire télégraphique à Tours, une paire de gants ou une paire de bas