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du dégât était peinte partout sous les plus hideuses couleurs.

Un des plus illustres et des plus vertueux pairs d’Angleterre, frissonnant à la lecture de tant d’assauts donnés chez moi, cherchant à soulager son patriotisme, me demandait froidement, si ma maison n’était pas construite dans l’enceinte écartée de quelque vaste forêt où quelque troupes de bandits, ou des bandes de sauvages brutaux, eussent pu ainsi aller l’assiéger, les armes à la main et la rage dans le cœur. « Non, Milord », lui répliquai-je, « ma maison est située dans le centre même de Montréal ; les sauvages, ces enfants tout bruts de la nature, ne déshonorent jamais dans leur raison le règne de la paix par les crimes de la guerre ; les acteurs de ces tragiques évènements sont les hommes mêmes que la nation soudoie pour être d’office nos conservateurs et nos défenseurs. Ah ! » reprit-il, d’un ton douloureux et lugubre, « il n’est que trop vrai, hélas ! que nous sommes assez savants dans l’art de combattre vaillamment et de conquérir avec succès ; mais nous sommes bien peu avancés dans la science pratique de gouverner ces conquêtes. Les mains à qui nous les devons d’origine immédiate sont celles-là même que nous choisissons communément pour les régir au retour de la paix ; mais des mains si souvent teintes de sang, sont-elles donc faites pour guérir elles-mêmes les plaies qu’elles ont antécédemment faites dans les cœurs des nouveaux sujets ? Le despotisme, dont les militaires prennent l’esprit et l’habitude au milieu des