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LES AMAZONES,

ORITHIE.

Que ce ſoit l’amitié, non la reconnoiſſance.
Votre Mere en mourant vous remit en mes mains :
Vivez d’accord, dit-elle, & montrez aux humains
Que deux cœurs vertueux regnent ſans jalouſie ;
Sur-tout des feux d’amour redoutez la furie.
Elle expire à ces mots. Loin de craindre vos droits,
Prenant ſoin de vos jours, j’obéis à ſes loix.
Je regnois avec elle, & vous touchez à l’âge
Où du Thrône avec vous je dois faire un partage :
Ce moment tarde trop à mon cœur généreux.
Vos charmes, vos vertus ont ſurpaſſé mes vœux :
J’aime à voir la valeur qui déja vous illuſtre.
Moi qui ſuis parvenue, à mon ſixiéme luſtre,
Un triomphe à mes yeux n’a plus rien d’éclatant,
Et mes vaſtes déſirs changent à chaque inſtant :
A domter l’Univers dans un moment j’aſpire,
Dans l’autre je voudrois abandonner l’Empire.
Les Rois avec envie admirent mon pouvoir,
Et dans mon cœur troublé regne le déſeſpoir.

ANTIOPE.

Eclairciſſez le doute où vous jettez mon ame.
Sur vos malheurs ſecrets expliquez vous, Madame.