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CVII

Où que je tourne l’œil, soit vers le Capitole,
Vers les bains d’Antonin, ou Diocletien,
Et si quelqu’œuvre encor dure plus ancien
De la porte Saint Pol jusques à Ponte-mole :

Je deteste àpart-moy ce vieux Faucheur, qui vole,
Et le Ciel, qui ce tout a reduit en un rien :
Puis songeant que chacun peut repeter le sien,
Je me blasme, et cognois que ma complainte est fole.

Aussi seroit celuy par trop audacieux,
Qui voudroit accuser ou le Temps ou les Cieux,
Pour voir une medaille, ou colonne brisee.

Et qui sçait si les Cieux referont point leur tour,
Puis que tant de Seigneurs nous voyons chacun jour
Bastir sur la Rotonde, et sur le Collisee?

CVIII

Je fuz jadis Hercule, or Pasquin je me nomme,
Pasquin fable du peuple, et qui fais toutefois
Le mesme office encor que j’ay fait autrefois,
Veu qu’ores par mes vers tant de monstres j’assomme.

Aussi mon vray mestier c’est de n’espargner homme,
Mais les vices chanter d’une publique voix :
Et si ne puis encor, quelque fort que je sois,
Surmonter la fureur de cet Hydre de Rome.

J’ai porté sur mon col le grand Palais des Dieux,
Pour soulager Atlas, qui sous le faiz des cieux
Courboit las et recreu sa grande eschine large.

Ores au lieu du ciel, je porte sur mon dos,
Un gros moyne Espagnol, qui me froisse les os,
Et me poise trop plus que ma premiere charge.

CIX

Comme un, qui veut curer quelque Cloaque immunde,
S’il n’a le nez armé d’une contresenteur,
Estouffé bien souvent de la grand’puanteur
Demeure enseveli dans l’ordure profonde :