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Dur et salé, et puis ces herbes là Dont j’ay parlé, jette sur tout cela : Et puis dessous ses aynes herissees De la main gauche a ses robbes troussées, De l’autre main il va pilant les aulx Dont la senteur offense les nazeaux : Le suc de l’un avec l’autre s’assemble, Le pilon tourne, et brise tout ensemble.

Lors peu à peu cestuy perd sa valeur, Et cestuy-là tous n’ont qu’une couleur, Qui pour le blanc, n’est du tout verdissante, Ni pour le vert, toute aussi blanchissante. Souvent Marsaut, comme tout courroucé, Souffle, renifle, et d’un nez retroussé Maudit ses aulx : souvent torche ses yeux, Du bout des doigts, souvent tout furieux Va maugréant la vapeur innocente. Deja se fait la matière plus lente, Qu’auparavant : le pilon qui tenoit Dans le mortier, plus lentement tournoit.

Or, il y mesle un peu d’olif, et ores Un petit fil de vinaigre, et encores Remesle tout, et puis une autre fois Le mesle encor’ : puis avecques deux doigts Finablement le mortier environne, Et en tourteau la matière façonne.

Voilà comment la sausse l’on faisoit, Qui MORETUM en latin se disoit : Catou soigneuse avecques la main nette Encependant tire aussi sa galette. Ainsi Marsaut ne craignant plus la faim Pour ce jour-là se depesche soudain, Prend son chappeau, ses guestres, et se rue Avec ses bœufs au fait de la charrue.