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Avec la gauche il fait tomber le grain
Dessous la meule, et avec l'autre main
Donne le tour, d’un rond, qui point ne cesse.
Le blé moulu tombe en farine espesse.

Aucunefois d’un travail successeur
La gauche tourne, et soulage sa sœur :
Luy mesme aussi quelquefois se soulage,
Chantant des vers, et chansons de village.
Alors Catou il huche hautement.
Pour tous servans il avoit seulement
Ceste Catou, qui à sa laide mine
Montroit assez qu’elle estoit Limousine.
Les cheveux roux, et le teinct tout haslé,
La lippe enflée, et le sein avallé.
Le ventre gros, jambe grosse, et grands plantes,
Et aux talons toujours mules et fentes.

Marsaut luy dit, qu’elle face du feu,
Que l’eau soit chaude, et après qu’il a veu
Son blé moulu, il le prend, il le sasse :
Le son demeure, et la farine passe.

Puis sur un aix l’agence tout soudain.
Verse l'eau tiède, et en menant la main
Tout au travers, pestrit tout pesle mesle :
Avecques Teau la farine se mesle.
Des grains de sel il y respand aussi :
L’œuvre se forme, et devient espaissi.
Avec la paulme en rond il le façonne,
Presse le moule, et sa marque luy donne,
Le porte au feu (Catou premièrement
Avoit le lieu nettoyé proprement) :
D’un test voulté il a faict sa fournaize.
Et ce pendant que la tuile et la braize
Font leur devoir, Marsaut ne chomme pas,
Mais se pourvoit d’autres mets et repas,
Pour ne trouver, à la manger seulette,
Fade saveur au goust de sa galette.

De chair de porc par le sel endurci
Les gros quartiers, et les jambons aussi
N’estoient pas là pendus pour son usage,
Mais seulement le rond d’un vieux fourmage
Par le milieu traversé d’un genêt,
Et tout auprès un vieux fagot d’aneth.
Luy donc ayant le soin de sa pasture.
Pour son disner cerche autre nourriture.

Joingnant la loge, où Marsaut habitoit,
Fut un jardin, un jardin qui estoit
D’un peu d’oziers clos devant et derrière,