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CLXXXIV

Celuy qui de plus près attaint la Deité,
Et qui au ciel, Bouju, vole de plus haute aile,
C’est celuy qui suivant la vertu immortelle,
Se sent moins du fardeau de nostre humanité.

Celui qui n’a des Dieux si grand felicité,
L’admire toutefois comme une chose belle,
Honore ceux qui l’ont, se monstre amoureux d’elle,
Il a le second rang, ce semble, merité.

Comme au premier je tends d’aile trop foible et basse,
Ainsi je pense avoir au second quelque place :
Et comment puis-je mieux le second meriter

Qu’en louant ceste fleur, dont le vol admirable,
Pour gaigner du premier le lieu plus honorable
Ne laisse rien ici qui la puisse imiter ?

CLXXXV

Quand ceste belle fleur premierement je vi,
Qui nostre âge de fer de ses vertus redore,
Bien que sa grand’valeur je ne cognoisse encore,
Si fus-je en la voyant de merveille ravi.

Depuis ayant le cours de fortune suivi
Où le Tybre tortu de jaune se colore
Et voyant ces grands dieux que l’ignorance adore,
Ignorans, vicieux, et meschans à l’envi :

Alors, Forget, alors ceste erreur ancienne,
Qui n’avoit bien cogneu ta Princesse et la mienne,
La venant à revoir, se dessilla les yeux :

Alors je m’apperceu qu’ignorant son merite
J’avois, sans la cognoistre, admiré Marguerite,
Comme, sans les cognoistre, on admire les cieux.

CLXXXVI

La jeunesse, Du-Val, jadis me fit escrire
De cest aveugle archer, qui nous aveugle ainsi,
Puis fasché de l’Amour, et de sa mere aussi,
Les louanges des Rois j’accorday sur ma lire.