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LA LYRE CHRESTIENNE


Moy cestuy-là qui tant de fois
Ay chanté la Muse charnelle,
Maintenant je hause ma voix
Pour sonner la Muse éternelle.
De ceux-là qui n ont part en elle,
L’applaudissement je n’attens ;
Jadis ma folie estoit telle,
Mais toutes choses ont leur temps.
Si les vieux Grecs et les Romains
Des faux Dieux ont chanté la gloire,
Serons-nous plus qu’eux inhumains,
Taisant du vray Dieu la mémoire ?
D’Hélicon la fable notoire
Ne nous enseigne à le vanter :
De l’onde vive il nous faut boire,
Qui seule inspire à bien chanter.
Chasse toute divinité
(Dict le Seigneur) devant la mienne :
Et nous chantons la vanité
De l’idolâtrie ancienne.
Par toy, ô terre Egyptienne,
Mère de tous ces petits Dieux,
Les vers de la Lyre Chrestienne
Nous semblent peu mélodieux.
Jadis le fameux inventeur
De la doctrine Académique
Chassoit le poète menteur
Par les lois de sa republique.
Où est doncq’ l’esprit tant cinique.
Qui ose donner quelque lieu
Aux chansons de la Lyre ethnique,
En la republique de Dieu ?
Si nostre Muse n’estoit point
De tant de vanitez coilfée,
La saincte voix, qui les cœurs poingt.
Ne seroit par nous estoutfée,