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Si les dévotes prières
Pour les injustes misères
’ous esmeuvent à pitié,
Las. pourquoy ne se retire
De moy ce cruel martyre.
Si mes innocentes mains
Pures de sang, et rapines.
Ne furent oncques inclines
A rompre les droits humains ?
Je ne suis né de la race,
Qui dessus les monts de Thrace,
O Dieux, sarma contre vous,
Ni de l’hoste abominable,
Qui pour son forfait damnable
Accreut le nombre des loups.
Je n’ay hanté le collège
De ce larron sacrilège
Qui fut premier inventeur
De feindre la cognoissance
De vostre divine essence
Par un visage menteur.
Je ne suis né de la terre,
Qui en la Thebaine guerre,
Huma le sang fraternel.
Dont le mutuel outrage
Tesmoigna l’aveugle rage
De l’inceste paternel.
D’une cruauté nouvelle
Je n’ay rompu la cervelle
De mon père, et si n’ay pas
De ses entrailles saillantes
Rempli les gorges sanglantes
Par un nocturne repas.
Si mon innocente vie
Ne fut oncques asservie
Aux serves affections :
Si l’avare convoitise,
Si l’ambition n’attise
Le feu de mes passions :
Si pour destruire un lignage,
Par escrit, ou tesmoignage,