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Fut onq’ si mal fortunée
Que mes jours les plus heureux.
Mes os, mes nerfs, et mes veines
Tesmoins secrets de mes peines,
Et mille soucis cuisans,
Avancent de ma vieillesse
Le triste hyver, qui me blesse
Devant l’esté de mes ans.
Comme l’Automne saccage
Les verds cheveux du boccage
A son triste advenement,
Ainsi peu à peu s’clTace
Le crespe honneur de ma face
Veuve de son ornement.
Mon cœur jà devenu marbre
En la souche d’un vieil arbre
A tous mes sens transmuez :
Et le soir, qui me desrobbe,
Me fait semblable à Niobe
Voyant ses enfans tuez.
Quelle Medée ancienne
Par sa voix magicienne
M’a changé si promptement ?
Fichant d’aguilles cruelles
Mes entrailles et mouëlles
Serves de l’enchantement ?
Armez-vous contre elle donques
O vous mes vers, et si onques
La fureur vous enflamma,
Faites luy sentir l’iambe,
Dont contre l’ingrat Lycambe.
La rage Archiloq’ arma.
O nuict ! ô silence ! ô lune,
Que ceste vieille importune
Ose du Ciel arracher !
Pourquoy ont la terre, et l’onde,
Mais pourquoy a tout le monde
Conspiré pour me fascher .
Ni toute l’herbe cueillie
Par les champs de Thessalie,
Ni les murmures secrets,