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qu’ils pouvaient s’appuyer l’un sur l’autre pour le restant de leur vie. Les trois quarts et demi du temps, on n’a pas l’occasion de faire l’expérience : on prend un bellâtre, un homme bien élevé, ou bien renté, puis, un beau matin, on s’aperçoit qu’on a épousé un pleutre ou un inutile. Moi, j’aurais adoré l’époque où les chevaliers se battaient pour leurs dames, où les mariages se concluaient après les tournois, où la question de dot n’était pas tout, où la femme se blottissait contre une poitrine d’homme, parce qu’elle savait que, dans cette poitrine, battait un cœur vaillant. Étant dans ces idées, je m’étais d’abord promis d’épouser un officier ; et puis, après tous les événements de ces derniers temps, j’ai vu qu’il y avait parmi eux, en haut surtout, des défaillances de caractère navrantes, et je me suis rabattue sur mon cousin d’Hellouville, qui s’est battu en duel avec un préfet et qui monte en course.

Elle s’interrompit.

— Quel froid ! On dirait qu’il augmente.

— Le thermomètre se maintient : -31 degrés, c’est relativement peu à cette latitude, mais la vitesse de marche rend la morsure plus rude…

— Ce pauvre d’Hellouville !… J’aurais déjà dû lui dire oui depuis six mois… Le bon Dieu savait bien ce qu’il faisait en arrêtant le mot sur mes lèvres : je vous attendais.

— Christiane, fit-il d’une voix pénétrée, je ne puis vous dire combien ce bonheur si imprévu me