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Certains hommes ne cherchent que la gloire ; d’autres lui préfèrent le bonheur intime : sa bonne étoile allait lui donner les deux à la fois.

Et maintenant, il se reprochait ses indécisions, ses hésitations.

Il ne se les expliquait même plus.

Il se disait que, s’il pouvait en ce moment consulter le généreux donateur du Patrie, ce Lebaudy, qui faisait de sa fortune un si noble usage et, après lui, ce génial constructeur qu’était l’ingénieur Julliot et le pilote modèle qu’était Juchmès, c’est-à-dire les trois initiateurs du merveilleux effort aérostatique qui avait mis la France à la tête des nations dans le domaine de l’air, leur réponse à tous trois serait : « Partez ! »

Quant au commandant du bord, à ses camarades de nacelle, leur conseil serait le même ; il s’y joindrait seulement le regret de ne pas en être.

Et pour la masse, pour la nation elle-même, la réponse était moins douteuse encore : le sentiment public serait plus nettement marqué que dans les milieux techniques : il pousserait de toutes ses forces à l’expédition.

Même en ces temps attristés, dominés par le matérialisme et le culte de l’argent, la France, avide de sensations neuves et toujours amoureuse d’héroïsme, crierait à cet enfant perdu de sa race :

— Va, tu tiens le pavillon !

Comment avait-il pu hésiter ? Maintenant, les raisons de consigne et de responsabilité, qu’il avait