Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient précédé les minutes tragiques de l’envolée nocturne, et, par le sentier ombreux qui conduisait a la tête du ravin, ils partirent, enlacés et silencieux.

Le printemps avait reverdi les coteaux et couronné l’Argonne de frondaisons nouvelles. C’était une fin de journée comme celle-là qui les avait vus déboucher souriants à l’orée du bois, elle extasiée devant l’apparition du géant de l’air, lui subissant déjà l’emprise d’un charme d’une infinie douceur.

Il n’y manquait même pas la brise agitant les grands chênes au sommet des plateaux et balançant majestueusement dans son berceau naturel le Patrie ressuscité.

Arrivée au bord du ravin, elle contempla longuement le grand corps jaune et flottant et s’assit sur l’herbe.

Il resta debout près d’elle, lui abandonnant la main qu’elle avait prise et attendant qu’elle descendît la pente.

Lui aussi avait pensé qu’elle voudrait remonter dans cette nacelle, où ils avaient vécu des heures inoubliables dans le froid et la tempête, qu’elle y jouirait délicieusement de la sécurité dont il répondait, et qu’à la tombée de la nuit, il la sentirait néanmoins tressaillir au moindre balancement du monstre.

Elle n’y songea point.

Fille de fière race, elle s’était trouvée un jour devant une grande œuvre à tenter et avait laissé parler en elle la voix des siècles.