Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne fussent engloutis dans une crevasse ou emportés à la dérive sur un iceberg flottant ?…

Si Nansen et son compagnon Johansen avaient pu, dans cette même saison, regagner la terre François-Joseph, c’est qu’ils étaient munis de kayaks, ou canots de peaux, qui, montés sur traîneaux, leur permettaient de franchir les nappes d’eau, canaux et bras de mer rencontrés.

Les naufragés de l’air n’en avaient pas.

Quel navire viendrait jamais les recueillir dans cette partie de l’Océan glacial, la moins explorée de toutes par les navigateurs et les baleiniers ?…

Et quelles souffrances pour les deux femmes, dans ce bivouac improvisé au bord de cette mer déserte !…

La seule chance de salut consistait donc à profiter de cet ouragan qui les ramenait vers le monde civilisé a raison de 150 kilomètres à l’heure et qui, seul, pouvait leur faire franchir la barrière liquide des mers sibériennes.

Toutes ces réflexions avaient traversé le cerveau de Georges Durtal avec une incroyable rapidité. Une remarque de l’Américain suspendit un instant sa décision :

— Puisque votre nacelle est étanche, nous pourrions tenter la traversée avec elle… gagner une des îles de la Nouvelle-Sibérie…

Mais cette nacelle étanche était incapable de flotter ailleurs qu’en eau calme. Baser un sauvetage sur cette particularité était une illusion de plus, et Georges Durtal secoua la tête.