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serviteur ponctuel, terre à terre, attaché à son devoir quotidien et ne rêvant rien au delà. Vous m’avez révélé qu’il y avait des ambitions sublimes, des devoirs qu’on trouvait au fond de soi-même, des responsabilités grandioses qu’il fallait savoir prendre. Vous m’avez fait comprendre en quelques heures ce qu’étaient ces Français aventureux qui nous ont légué un patrimoine de gloire et vous m’avez lancé sur leurs traces. Et voilà que le modeste officier que j’étais va peut-être contribuer à mettre au front de la Patrie une couronne de plus !… Oh ! non, Christiane, je ne vous maudis pas… je vous aime autant que je vous admire, et quoi qu’il advienne maintenant, je vous remercie de m’avoir élevé jusqu’à vous. Vous m’êtes apparue comme une de ces héroïnes que jadis le peuple suivait d’instinct. Et voyez, en vous suivant, je suis arrivé ici, où nul Français n’est parvenu… Qu’adviendra-t-il maintenant ? Je ne sais. Mais rien de ce qui nous attend ne m’effraie, puisque vous êtes là.

— Et moi, Georges, j’ai peur maintenant… peur de cette mort affreuse… de cette transformation de notre pauvre corps en squelettes grimaçants… Oh ! Georges, l’horreur de cette vision, là-bas, dans la grotte, si vous saviez !… L’autre jour, pendant nos heures de veille dans la nacelle, je vous disais que je ne comprenais pas l’amour sans l’épreuve de dangers communs… Mais cette épreuve a été au-dessus de mes forces…

— C’est votre impressionnabilité de femme qui