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nage suprême qui s’était terminé là, jetant les deux autres pantelants au pied de cette falaise ?

Ou bien, succombant avant les autres, avait-il été enterré par eux sur la banquise, petit tumulus de neige, aujourd’hui disparu ?

Peu importait d’ailleurs. Ce qui était certain, c’est que, poussée au Pôle, l’expédition Andrée n’avait pu faire un pas en arrière pour en revenir, et que ces ossements étaient le premier jalon de cette redoutable découverte.

Muette, les yeux troubles, Christiane de Soignes serrait nerveusement le bras de son fiancé.

Cette gloire dont elle était si jalouse quelques heures auparavant, et pour son pays et pour l’homme à qui elle voulait lier sa vie, c’était à ces tortures, à cette fin atroce dans l’éternel abandon, qu’elle aboutissait donc !…

Ces malheureux, sur qui le monde entier avait eu les yeux fixés pendant quelques heures et qui l’avaient connue, cette gloire éphémère, ils étaient morts d’épuisement dans leur conquête.

Et le même sort attendait sans doute ceux qui venaient de découvrir leurs restes…

Car eux non plus n’avaient aucun moyen de retour.

Maintenant que la griserie du résultat obtenu se dissipait, Christiane de Soignes se sentait envahie par une épouvante sans nom.

Elle se voyait étendue à côté de Georges Durtal, dans cette grotte de glace, refuge qu’ils seraient