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à-dire dans le voisinage de Pékin. Mais on lui imposa le blocus et la prise de Formose qui ne menaient à rien, car les Chinois se souciaient peu de cette grande île qu’ils ont cédée depuis aux Japonais. L’Amiral s’épuisa donc en vains efforts à Kélung et à Tamsui avec des forces insuffisantes, y usa sa flotte et finit par y mourir de fatigue et aussi de chagrin.

Pendant que l’amiral Courbet infligeait à la Chine ces sanglantes leçons, que faisait l’armée de terre au Tonkin ? Sous les ordres du général Brière de l’Isle, elle marchait sur Lang-Son, la ville la plus proche de la frontière de Chine, et y entrait après sept jours de combats victorieux. Mais vaincus à l’est du Tonkin, les Chinois, grâce à leur grand nombre, couvraient au contraire tout l’Occident du pays et, un soir, arriva à Lang-Son un messager venant de Tuyen-Quan et porteur d’une lettre du commandant Dominé chargé, vous l’avez vu, de la défense de cette place.

Avec six cent huit hommes de la légion étrangère et des tirailleurs tonkinois, le vaillant officier était, depuis le 24 novembre 1884, c’est-à-dire depuis trois mois, enveloppé par des forces vingt fois supérieures : toute l’armée chinoise du Yunnan et les Pavillons-Noirs du fameux Liu-Winli-Phuoc.

S’il succombait, notre prestige au Tonkin en recevait un coup dont la répercussion se ferait sentir sur toute la campagne.

À tout prix il fallait donc le secourir.

Aussitôt, laissant à Lang-Son une de ses deux brigades, celle du général Négrier, le général Brière de l’Isle en personne, à la tête de la brigade Giovaninelli, se porta, à marches forcées sur Tuyen-Quan.

La compagnie de Georges Cardignac faisait partie de cette brigade ; elle prit sa part des combats furieux qui furent nécessaires pour rompre le cercle de tranchées, de redoutes et d’obstacles formidables que Liu-Winh-Phuoc avait accumulés autour de la citadelle de Tuyen-Quan pour l’empêcher d’être secourue.

Un dernier assaut eut lieu le 2 mars ; il fut meurtrier : en moins d’une demi-heure, cent soixante-quatre marsouins, sur trois cent vingt, et douze officiers étaient couchés sur les talus des retranchements ennemis ; une compagnie entière tomba dans une mine que les Chinois avaient disposée avec une adresse diabolique et sauta ; nos soldats passèrent une nuit terrible à deux cents mètres de l’ennemi, sous une pluie intense et une grêle de projec-