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ludé à l’engagement d’Erkmann dans son bataillon, cet officier supérieur, un bon juge s’il en fut en matière de devoir militaire, lui répondit : « J’aurais agi comme vous. »


Tuyen-Quan enlevé, le colonel Duchesne y laissa une garnison composée de deux compagnies de la légion étrangère et d’une compagnie de tirailleurs tonkinois, avec une trentaine d’artilleurs et huit sapeurs du génie, le tout sous les ordres du commandant Dominé, puis il ramena le reste de la colonne à Hanoï.

On était en mai 1884 ; battu partout, le gouvernement de Pékin venait d’acquérir la conviction que malgré ses canons Krupp, achetés aux Allemands, et les fusils se chargeant par la culasse cédés par les Anglais, il ne pouvait résister aux Français ; il demanda donc la paix, et les conventions en furent arrêtées par le fameux vice-roi Li-Hung-Chang et le capitaine de frégate aujourd’hui amiral Fournier.

Ce fut le traité de Tien-Tsin.

Mais il était à peine signé depuis un mois, que les Chinois avec leur duplicité habituelle faisaient tomber dans un guet-apens, à Bac-Lé, une colonne française commandée par le colonel Dugenne. Elle s’en tira avec de grosses pertes. Heureusement, un vaillant officier, le capitaine Laperrine qui commandait l’escadron des chasseurs d’Afrique, réussit au prix d’efforts surhumains à sauver les blessés. Il devait mourir quelques mois plus tard, à son retour en France, des fièvres contractées là-bas au milieu des marais. Avec plus de sang-froid de la part des dix mille Chinois qui avaient entouré la colonne Dugenne, elle eût été cernée et détruite. La trahison des Chinois remettait donc tout en question.

Comment d’ailleurs attendre de la loyauté, d’une nation qui pose dans ses règlements militaires les principes suivants :

« Si vous n’êtes pas cinq fois plus fort que l’ennemi, il faut le vaincre par la ruse ; semez la discorde dans son armée, débauchez ses officiers, envoyez de fausses dépêches à son général en chef et calomniez ce général devant ses inférieurs ; amollissez le courage des soldats par la volupté, ne ménagez ni offres, ni présents, ni caresses, et en même temps trompez tout le monde. — Une victoire ainsi obtenue vaut mieux que le triomphe par le fer. »