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Orient, dont personne ne parlait alors, allait devenir le théâtre d’une guerre longue et glorieuse. L’opportunité de cette guerre, très discutée alors, parce qu’elle exigeait de durs sacrifices et fut accompagnée de quelques revers, ne l’est plus aujourd’hui, parce que tout le monde sait que le Tonkin est un pays riche, susceptible de devenir une colonie prospère.

Dans cette conquête, Georges Cardignac allait être parmi les ouvriers de la première heure.

Est-il besoin de vous dire, mes enfants, que Mohiloff avait suivi son lieutenant, et remplissait au près de lui les mêmes fonctions d’ordonnance qu’au Da homey, toujours silencieux, mais aussi toujours prêt à payer de sa personne comme il l’avait fait à l’attaque du « tata » de Kérouané. Son seul chagrin avait été de laisser la-bas Cuir-de-Bussie, dont la bonne camaraderie lui avait facilité les débuts du service militaire, et à qui il avait voué une solide amitié.

Cuir-de-Russie n’avait pas été moins ému, et, avant de quitter son ami, lui avait jeté un : « On se reverra » des plus convaincus.

Le 19 mai 1883, le commandant Rivière, dans une sortie contre les Pavillons-Noirs, fut tué et sa tête promenée en triomphe dans tout l’Annam. La France, qui n’avait fait jusque-là que des envois de troupe insignifiants, s’émut et le sentiment national exigea que cette mort fût vengée.

Des renforts furent aussitôt envoyés de Saïgon à Hanoï, capitale du Tonkin, et parmi eux, la compagnie d’infanterie de marine à laquelle venaient d’être attachés Georges Cardignac et son inséparable Pépin.

Elle était commandée par le capitaine Bauche et, dès son arrivée, elle allait coopérer à l’un des plus beaux faits d’armes de cette guerre du Tonkin ; je veux parler, mes enfants, de la prise de Son-Tay, par l’amiral Courbet.

Le vaillant marin dont je viens d’écrire le nom, et qui devait mourir d’épuisement à bord du Bayard, deux ans après, venait d’être nommé en effet commandant des troupes de terre et de mer au Tonkin, et la prise de la puissante citadelle de Son-Tay s’imposait sans retard, pour mettre fin à l’insolence des Pavillons-Noirs qui en avaient fait leur place d’armes principale, et qui n’étaient d’ailleurs aussi audacieux que parce qu’ils se sentaient soutenus par la Chine elle-même.

Pour vous donner une idée de cette insolence, je vous copie ici, mes enfants, la curieuse proclamation que Liu-Vinh-Phuoc, leur chef, avait fait