Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oh ! vous ne feriez pas cela, mon capitaine ! Et Georges avait pris un air si navré en prononçant ces mots, que tous les assistants ne purent — malgré la gravité des circonstances — tenir leur sérieux.

— Rassurez-vous, mon jeune camarade, dit enfin le lieutenant de spahis, le capitaine a voulu vous faire « mousser » un peu ; mais, au contraire, c’est vous qu’il emmène et c’est le lieutenant Flandin qui reste ici.

— Ah ! merci, merci ! fit Georges rayonnant.

— Donc, reprit le capitaine Cassaigne, Flandin reste ici avec deux sections. Nous partons avec le reste et notre canon. De plus, le commandant de Kita nous fournit cent tirailleurs Bambaras qui seront payés en captifs.

— Hein ! s’exclama Georges en sursautant, en captifs ? dites-vous, mon capitaine.

— Oui, mon enfant. Il va falloir vous acclimater tout doucement aux mœurs étranges du continent noir. Il n’y a pas à tortiller ni à dire, « mon bel ami », c’est comme ça et non autrement. Et, au fond, c’est une excellente opération, je vous en ai déjà touché un mot l’autre jour.

— Comment cela ?

— Oui, les captifs rentrent ainsi dans le giron de la Protection française ; ils constituent pour la suite une pépinière de travailleurs agricoles et aussi de soldats, et nous n’avons pas d’argent à débourser… Double économie !

— C’est juste, mon capitaine ; mais comme vous le disiez, il faut s’y faire, et je constate que les mêmes choses changent vraiment d’aspect selon les latitudes.

— Oui, l’optique morale change rudement. En tous cas, le départ est pour après-demain. Organisez votre affaire, car vous devez commencer à vous y connaître.

— Et où allons-nous ?

— Nous piquons droit au sud, sur Niagossala et Siguiri. Là, nous traversons le fleuve et gagnons Kineira où, paraît-il, nous attend le dénommé Ben-Ahmed. Au surplus, c’est ce jeune singe (il désigna le messager noir) qui va nous servir à la fois de guide et d’otage.

— D’otage ?

— Tiens, parbleu ! s’il avait l’air de vouloir nous « monter le coup », ça ne serait pas long. Vlan ! Vlan !