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— Oh ! du bon !… c’est beaucoup dire, mon capitaine, répliqua le lieutenant de spahis ; mais enfin nous possédons une indication.

En même temps il tendait à M. d’Anthonay un chiffon de papier d’emballage.

L’ancien magistrat le saisit nerveusement et le parcourut avec rapidité, pendant que Georges Cardignac regardait par dessus son épaule.

Le jeune homme en fut — comme on dit — pour ses frais de curiosité, car la lettre (s’il est possible de dénommer ainsi ce griffonnage) était écrite en caractères arabes mal formés, et conçue en un patois bizarre, où l’arabe proprement dit se mariait étrangement au dialecte nègre du Bissandougou.

Mais ce n’était point là une difficulté pour M. d’Anthonay qui était maintenant familiarisé avec les divers langages de la région.

Qui vous a transmis cette missive, lieutenant ? demanda-t-il après avoir terminé sa lecture.

L’officier de spahis indiqua dans le coin du gourbi un nègre, revêtu d’une gandourah rayée, coiffé d’un haut bonnet bleu, et qui, accroupi sur ses talons, les coudes aux genoux, attendait impassible.

— Voici le messager, dit le lieutenant.

— Bon ! riposta l’ancien magistrat. C’est un indigène des environs de Kineira, et il nous a apporté ce renseignement de la part d’un sofa du Bissandougou. Mais je vous avoue que je n’ai qu’une confiance très relative en la parole de ce personnage qui est — somme toute — vassal de Samory.

— Sans doute, fit le capitaine Cassaigne intervenant. Mais ce sofa, qui dit se nommer Ben-Ahmed, est un musulman. Il a, paraît-il, servi autrefois dans nos rangs. C’est du moins l’explication que nous a fourni le messager.

— Ce n’est pas précisément une recommandation, riposta M. d’Anthonay ; ce sofa serait donc un déserteur et je m’en méfierais…

— Pourtant, dit Georges, on peut toujours voir.

— Je suis de votre avis, mon jeune camarade, dit le capitaine Cassaigne, et pour nous résumer, voici la situation et les mesures que nous avons prises de concert avec M. le commandant de Kita.

Le dit Ben-Ahmed nous déclare qu’il sait le lieu de détention du captif blanc, enlevé par une bande de Samory. Il ajoute qu’il lui veut du bien, et que s’il n’a pas envoyé plus tôt sa proposition, c’est uniquement par crainte de son chef qui eût pu lui faire payer fort cher son intervention ; mais